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Auteur : Mini-Pouce Cours 2003 |
Définition
Délires chroniques
Ø Entité nosographique française qui regroupe 3 formes
§ la psychose hallucinatoire chronique (PHC)
§ la paraphrénie
§ les délires paranoïaques
Ø Ils ont en commun :
§ de débuter tardivement (souvent après 35 ans)
§ d’être chroniques
§ d’évoluer par poussées
§ d’être systématisés (différent de la schizophrénie)
§ sans aboutir à un déficit comme les schizophrénies
Ø En pratique, seule la paranoïa suit les critères ci-dessus, les 2 autres formes pouvant :
§ débuter + tard
§ devenir moins déficitaire
§ délirer de façon + systématisée, + floue, avec quelques spécificités : PHC et automatisme mental, paraphrénie et imagination.
Epidémiologie
Ø trouble relativement rare (prévalence : 0,025 – 0,03%)
Ø âge moyen de début : 35-45ans
Ø installation insidieuse et progressive
Ø sexe ratio : légèrement + fréquent chez la femme (homme/femme : 0,85)
Ø sujet le + souvent marié avec un emploi
Ø conditions environnementales parfois favorisantes
Ø immigration
Ø isolement social
Ø handicap sensoriel
Ø milieu social désavantagé
Ø statistiquement : niveau intellectuel au-dessus de la moyenne
Personnalité pré-morbide pathologique
Ø De type paranoïaque : orgueil, méfiance, jalousie, hypertrophie du Moi, humeur ombrageuse, fausseté du jugement.
Ø Facteurs psychodynamiques : méfiance dans les rapports avec autrui liée à un manque de confiance en soi, supposée être parfois en rapport avec un environnement familial hostile, avec une mère exerçant un contrôle excessif et un père sadique et distant.
Ø Mécanisme de défense psycho-dominant : la projection permet de na pas reconnaître une réalité angoissante en soi mais à l’extérieur.
Ø Délire endogène (sans cause apparente), mais certains états délirants peuvent survenir en relation avec des évènements traumatiques.
Ø Théorie freudienne : tendances homosexuelles inconscientes refoulées et combattues par le déni et la projection.
Eléments de psychopathologie
v Interaction entre :
Ø personnalité pré-morbide
Ø situations ou évènements déclenchants
Ø contenu et structure du délire.
v Continuité avec une personnalité antérieure ou processus pathologique qui vient rompre l’équilibre psychique.
v Kretschmer : structure de la personnalité particulière qui ne s’exprime que dans des circonstances conflictuelles où le sujet est en position d’insuffisance, d’échec et de honte.
v « endogénicité » : délires d’interprétation favorisés ou causés par un événement à forte charge émotionnelle (deuils, échecs professionnels, changement de statut social…)
v Courant psychanalytique :
Freud a insisté sur :
Ø le surinvestissement du Moi compensant l’incapacité d’établir une relation à l’objet
Ø sur le mécanisme de projection : « je t’aime » devient « je te hais » qui est projeté à l’extérieur en « il me hait »
M. Klein : angoisse ressentie par le sujet devant ses pulsions agressives envers l’objet (la mère) , pulsions projetées sur le persécuteur servant de substitut à l’image maternelle.
Diagnostic : caractéristiques cliniques
Etat mental
Ø aucun signe de désorganisation marquée (patient bien vêtu)
Ø peut sembler bizarre, soupçonneux ou hostile
Ø habituellement, l’examen mental est normal à l’exception de la présence d’un système délirant anormal
Ø humeur en relation avec le délire : on observe souvent un léger degré de dépression
Ø trouble du cours de la pensée, idées délirantes : symptômes clés, systématisés, complexes ou simples
Ø jugement et conscience du trouble quasi inexistants
Type clinique
Délires passionnels
Ils ont an commun :
§ délires systématisés en secteur
§ mécanisme délirant prédominant : interprétation et intuition, avec conviction inébranlable et exaltation passionnelle
On distingue :
§ délire érotomaniaque ou érotomane
§ délire de jalousie
Délire érotomaniaque
§ Thèmes :
· illusion délirante d’être aimé(e)
· l’objet est de rang social souvent + élevé et libre
§ Mécanismes :
· interprétation
· intuition
· parfois hallucination tactile ou cénesthésique
· rarement influence et automatisme mental
§ Evolution :
· 3 phases : espoir, dépit, rancune
· risque de passage à l’acte important dans la 3ème phase
Délire de jalousie
Personnalité pré-morbide : traits paranoïaques, sensitifs fréquents
§ Thèmes :
· sujet persuadé d’être trompé
· infidélité, perspicacité morbide avec enquête et réflexion : recherche de preuves, de souvenirs…
§ Mécanismes :
· interprétation
· illusion perceptive, mnésique
§ Evolution :
· souvent appoint éthylique chronique
· vengeance, attaque du rival supposé
Délires de revendication
§ Mécanisme principal : l’interprétation. Repose sur la conviction d’un préjudice subi : sentiment de persécution, exacerbé par l’exaltation sthénique, l’agressivité, la quérulence.
§ But : faire triompher la vérité, réparer le préjudice, punir les responsables.
§ Thèmes des délires de revendication :
· quérulent processif :
¨ conviction délirante d’avoir été lésé
¨ dépose des plaintes
¨ plusieurs procès
¨ rejette les jugements
· idéaliste passionné :
¨ veut transmettre ses convictions mystiques, politiques ou sociales
¨ conviction d’être porteur d’une mission
¨ réformateur fanatique
· inventeur méconnu :
¨ conviction d’avoir fait la découverte du siècle
¨ revendique la priorité des découvertes
· filiation revendiquée
· sinistrose délirante :
¨ revendique la réparation d’un préjudice corporel
¨ après accident du travail, traumatisme sur voie publique, intervention chirurgicale ou soins médicaux
¨ multiplie les contre-expertises et les recours
Délires d’interprétation
Ou « folie raisonnante »
Délire systématisé en réseau. Le moindre détail est sujet à interprétation.
Les interprétations peuvent être :
– endogènes, à partir de sensations corporelles qui acquièrent une signification péjorative (poison dans eau de boisson)
– exogènes à partir de perceptions sensorielles
§ Thèmes les + fréquents :
· persécution
· mégalomanie
· filiation
· mission
§ Adhésion totale, avec possible participation de l’entourage
§ Réaction agressive envers le(s) persécuteur(s)
§ Evolution : ponctuée de moments féconds faits d’excitation thymique et de revendication du délire, authentiques épisodes dépressifs et anxieux propices à une certaine demande d’aide.
Délires de relation des sensitifs ou délire de Kretschmer ou paranoïa sensitive
Survient sur personnalité sensitive.
Délire systématisé en secteur, à base de vexation, de brimades, d’échecs, de rejets, de frustration, d’évènements particulièrement pénibles, d’allusions péjoratives et malveillantes émanant de l’entourage : « délire de palier », « délire de persécution des vieilles filles »
Reste limité habituellement à un secteur de la vie.
Evolution :
– par poussées ou parfois rémission spontanée
– épisodes anxio-dépressifs avec une note hypocondriaque
– délire peu extensif
Evolution et pronostic
v Facteurs de stress parfois séparables au départ du trouble : degré de suspicion ou de préoccupation parfois justifiée à l’origine
v Les préoccupations deviennent de + en + marquées : délire
v Evolution propre au délire :
Ø soit enkystement (persistance à bas bruit)
Ø soit chronicité et conservation d’un caractère actif pouvant conduire à des actes hétéro-agressifs
Ø facteurs de bon pronostic :
§ niveau d’adaptation fonctionnelle sociale et professionnelle
§ sexe féminin
§ début précoce (avant 30 ans)
§ début brutal
§ présence de facteurs précipitants
Eléments de prise en charge
Hospitalisation
Possible en hospitalisation libre
– lors de poussées processuelles délirantes
– lors de comportements suicidaires en rapport avec le délire
– pour stabiliser les rapports professionnels ou sociaux
Si besoin, en hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers
– en cas de dangerosité : persécuteur désigné, hallucinations
– en cas de troubles de l’ordre public
– chambre d’isolement les premiers jours de l’hospitalisation, à moduler en fonction de l’agressivité ou du risque de passage à l’acte
– conditions d’hospitalisation à aménager en fonction de l’évolution (pyjama, aucune visite, aucun coup de téléphone, sorties accompagnées…)
– sorties extérieures progressives, sorties d’essai dans le cadre de l’hospitalisation sous contrainte
Chimiothérapie
Ø choix du produit :
§ développement du moment évolutif
§ de l’état thymique
Exemple : si agitation ou anxiété, plutôt neuroleptique que sédatif
Ø neuroleptiques incisifs ou antipsychotiques : dans la plupart des cas
Ø efficacité :
§ n’est pas directement liée à la forme du délire
§ + efficace sur les hallucinations
§ moins efficace sur les phénomènes délirants interprétatifs
Ø antidépresseurs et thymorégulateurs :
§ en cas de symptomatologie dépressive, parfois dans les suites d’un épisode fécond
§ + efficace dans les délires sensitifs et passionnels
§ en association avec un neuroleptique
§ attention à ne pas confondre avec la passivité déficitaire parfois induite par les neuroleptiques, avec certaines formes de repli, de catatonie (schizophrénie)
Ø observance du traitement :
§ souvent difficile
§ indication de choix des NAP (neuroleptiques d’action prolongée)
Ø surveillance du traitement :
§ de la prise effective ++
§ des effets indésirables (sédation excessive, hypotension artérielle, tremblements, rigidité motrice… avec les neuroleptiques)
§ associer un correcteur si besoin
Ø autres traitements :
§ anxiolytiques
§ hypnotiques
Psychothérapie
Ø instituer un rapport de confiance
Ø soutien, écoute attentive +++
Ø trouver la bonne distance
Ø souplesse et diplomatie, sans gratification excessive qui peut entraîner l’hostilité et la suspicion
Ø Objectifs :
§ obtenir une alliance avec le patient afin d’amener progressivement à accepter un soin ambulatoire ou une hospitalisation et un traitement
§ amener à moins de rigidité pour laisser apparaître des sentiments de vulnérabilité et de faiblesse qui permettent d’avoir un travail relationnel + constructif
Attitudes relationnelles
Ø respecter le besoin de ces patients à recourir à la projection comme mécanisme de défense ++
Ø tout effort pour combattre d’emblée les sentiments négatifs projetés par le patient peut renforcer l’importance de persécution ++
Ø ne pas mettre d’emblée en doute les idées délirantes
Ø faire remarquer la détresse liée aux idées délirantes
Ø demander simplement + d’élaboration des sentiments et perception du patient
Ø pour aboutir progressivement à aider le patient à concevoir la possibilité d’un doute concernant ses perceptions délirantes
Thérapie familiale
Ø parfois proposée
Ø quand les membres de la famille sont disponibles à le faire
Ø respecter la confidentialité de la relation avec le patient
Sociothérapie
Ø permet une resocialisation progressive
Ø éviter le repli et l’apragmatisme (ergothérapie, sorties accompagnées progressives…)
Ø relais extérieur avec le CMP (centre médico-psychologique) de secteur, hôpitaux de jour, suivi à domicile…
Ø disposition particulière de reprise du travail quand c’est possible
Une adaptation sociale satisfaisante plutôt qu’une réduction moins complète des idées délirantes chez ces malades peut être le signe d’une réussite du traitement.