INCONTINENCE URINAIRE DU SUJET AGE

Auteur : Patrick LEDIEU Médecin gériatre, Hôpital Nord de Clermont-Ferrand

Document Mis à jour Mars 2003

I.           DÉFINITION

« Perte involontaire d’urine suffisamment importante pour occasionner des problèmes sociaux ou hygiéniques »

·       Fréquence difficile à apprécier (plainte fonction de la gène, difficulté de l’évaluation)

·       Souvent attribuée à tort comme le seul fait de l’âge

·       Il n’y a pas une mais plusieurs incontinences

·       Phénomène multifactoriel, prise en charge globale

·       Amélioration possible dans 2/3 des cas.

                            II.          PRÉVALENCE

ü    3 500 000 incontinents en France

ü    20 à 30 % sont des femmes de plus de 65 ans (50 - 60 % en institution)

ü    15 à 20 % des hommes de plus de 65 ans.

ü    > 70 % des patients déments (modérée à sévère).

On parle « d’incontinence sévère » en cas de perte d’urine involontaire  plus d’une fois par semaine.

                           III.          FACTEURS DE RISQUE

§       Grossesses et accouchements

§       Ménopause

§       Chirurgie pelvienne (hystérectomie, prolapsus…)

§       Constipation chronique

                         IV.          CONSÉQUENCES

o     Psychologiques

-                   Sentiment de honte : perte de confiance en soi, d’estime de soi, repli, préjudice esthétique…

-                   Fatalisme : « c’est normal avec l’âge »

-                   Anxiété : peur d’arriver trop tard aux toilettes, peur de déranger les soignants, peur de sentir mauvais…

-                   Perte de temps : lavages, changes…

-                   Irritabilité, agressivité dirigées contre le personnel…

o     Physiques

-                   Sensation désagréable d’être mouillé

-                   Irritation, macération, rougeur, infection…

-                   Inconfort ou allergie liés aux protections

-                   Perturbation du sommeil

-                   Coût des protections

-                   Motif d’entrée en institution…

                            V.          RAPPEL ANATOMIQUE

VI.         PHYSIOPATHOLOGIE

La continence est un mécanisme complexe qui repose sur un réflexe à point de départ médullaire soumis en permanence au contrôle inhibiteur du système nerveux central.

Étapes de la miction:

Œ   Remplissage avec Pression < 15 cm H2O

   1er besoin à partir de 200 cc

(capacité maximale vésicale = 400 à 600 cc)

Ž   2ème besoin à partir de 300 cc

   Besoin impérieux à partir de 400 – 600 cc

   Besoin douloureux

Ø Miction si P intravésicale totale (P v + P a) > P urétrale

Ø Miction complète lorsque le résidu post mictionnel < 10 % de la capacité totale.

EFFETS DU VIEILLISSEMENT :

ê   capacité vésicale (< 300 cc)

é   résidu urinaire

é   fréquence des contractions involontaires

ê   Pressions de résistance vésicale et urétrale

ê   Mobilité

ê   Fonction neurologique

é              Fréquence des pathologies associées

TYPES D’INCONTINENCE

·     Incontinence d’effort :

= perte involontaire d’urine (souvent en faible quantité) liée à l’augmentation de la pression intra-abdominale au cours d’un effort (toux, éternuement, rire, sport, marche…)

ø  Relâchement du plancher pelvien

ø  Faiblesse du sphincter

·     Impériosité mictionnelle :

= perte d’urine (quantité variable) liée à l’incapacité de retarder la miction après la sensation de besoin.

ø  Hyperactivité du détrusor (infections, obstacle…)

ø  Troubles neurologiques (AVC, démence, parkinson…)

·     Par regorgement :

= perte d’urine (petite quantité) qui résulte des forces mécaniques qui s’exercent sur une vessie engorgée.

ø  Cystocèle, prostate, sténose urétrale…

ø  Troubles neurologiques (diabète, lésions de la moelle épinière…)

·     Fonctionnelle ++ :

= perte d’urine occasionnée par l’inaptitude à gérer seul son hygiène par suite d’incapacités cognitives ou/et physiques.

ø  Démence

ø  Immobilité

ø  Inaccessibilité des toilettes, défaut de personnel…

·     Transitoire +++ :

Confusion, infections, fécalome, immobilisation, médicaments…

VII.     ÉVALUATION

q Clinique :

ø  Interrogatoire

Ÿ      ATCD chir, gynéco, médicaux (insuffisance cardiaque, AVC, rhumato, constipation…)

Ÿ      Traitement (diurétiques, antidépresseurs…)

Ÿ      Symptômes : nombre de mictions, type (urgence, effort…), nycturie, retard de miction, dysurie, fréquence des pertes, capacité à différer la miction, usage de protection…

Ÿ      Boissons : potomanie, café, thé…

ø  Calendrier mictionnel

ø  Clinique : examen pelvien, neurologique, ECBU…

ø  Volume résiduel après miction

     (Blader scan ; sondage post mictionnel)

                               Anormal si > 10 % capacité totale

q                  Examens complémentaires :

ø  ECBU : infection ?

ø         Radio et endoscopie :

- écho abdo

- UIV

- cystoscopie

                                          F Obstacle, tumeur vésicale ?

ø         Examen urodynamique +++

              F Débitmétrie et cystomanométrie

-  diagnostic : hypermobilité urétrale à l’effort; insuffisance sphinctérienne ; instabilité vésicale.

-  préalable à une chirurgie éventuelle.

VIII. PRISE EN CHARGE

Elle fait intervenir : famille, aide-soignante, infirmière, kiné, médecin…

q       Comportementale

Miction par regorgement (vessie de rétention) :

ø   Sondage post-mictionnel ou intermittent

ø   Apprentissage et mise à disposition du palliatif

Vessie instable et Incontinence d’effort

ø tenue d’un calendrier mictionnel.

ø Programmation des mictions (ex : toutes les 3 H).

ø Organisation du quotidien (boissons, efforts…).

Incontinence fonctionnelle

ø Reprogrammation mictionnelle : reconnaître le besoin, s’orienter, se déplacer…

q      Rééducation (efficacité 50 %)

I. d’effort, insuffisance sphinctérienne :

ø         Entraînement vésical (« training vésical »)

-        réalisé par une sage femme ou un kiné.

-        techniques de « verrouillage du périnée », arrêt des mictions, contraction sur une sonde endocavitaire (« cône »)…

ø  Biofeedback (sonde de mesure pour visualiser les pressions…)

ø  Electrostimulation : séances de 20 à 30’.

NB :

- Fonctions cognitives respectées, minimum d’autonomie

- Limites liées à la sécheresse et l’atrophie vaginale.

q      Rôle de l’institution et des soignants

ø         Signalisation des toilettes suffisamment « visible »

ø         Toilettes accessibles aux fauteuils roulants

ø         Toilettes avec aides techniques

ø         Proximité du bassin, du pistolet, de la chaise-pot…

ø         Sonnettes accessibles aux résidents

ø         Répondre aux sonnettes !

ø  Accompagner toutes les 4 H jour et nuit

ø  Donner les moyens matériels de la continence

ø  Techniques de stimulation (faire couler l’eau, pression abdominale…)

ø         Faire baisser le malade en fin de miction

ø         Assurer l’hygiène

ø         Lutter contre la grabatisation

!! « Incontinence institutionnelle » = maltraitance

q      Médicaments

Impériosités mictionnelles (traitement des vessies instables) :

Ex : DITROPAN*, DRIPTANE*, URISPAS*

(sécheresse de la bouche, rétention d’urine, hTo, confusion…)

Regorgement (surtout obstacle prostatique):

Ex : Alphabloquant type XATRAL*, DYSALPHA*,…

Instabilité vésicale, insuffisance sphinctérienne :

Traitement hormonal oestrogénique oral et local (Trophicrème*, Colpotrophine*…).

Dans tous les cas :

- Supprimer ou diminuer les médicaments favorisants…

- Traitement de la constipation, infections urinaires, diabète,…

q      Chirurgie : (après échec du traitement médical)

Incontinence urinaire d’effort (prolapsus) et Insuffisance sphinctérienne :

                - TVT (Tension-Free Vaginale Tape) = « bandelette par voie vaginale sans tension » : 30’ sous AL, ALR ou AG ; 48H d’hospitalisation ; efficacité 75 à 90 %.

-                   Injection péri-urétrale de silicone : sous AL en ambulatoire ; renforcement du tonus sphinctérien ; efficacité 50 %.

-                   Cure de prolapsus.

q      Traitement palliatif

ø        Systèmes collecteurs : fauteuil garde-robe, urinal (bout rond ou évasé), bassin, étui pénien, collecteurs vulvaires…

ø                    Produits absorbants : garniture périodique, changes anatomiques, changes complets

La sonde urinaire n’est pas un traitement de l’incontinence urinaire !!! (à discuter si escarre sacrée…)

IX.        BIBLIOGRAPHIE

R. de TAYRAC : « Prise en charge de l’incontinence urinaire et du prolapsus génitale : application à la femme âgée », Gérontologie pratique, 2002, 142 et 143 : 6 - 7.

GASNIER. Y : « Prise en charge de l’incontinence urinaire en gériatrie : principales techniques de rééducation et médicaments couramment utilisés », La Revue du Généraliste et de la Gérontologie, 2002, 84 : 164-166.

Programme de prévention des soins

pour les personnes âgées fragiles 2002-2005

Ministère de la Santé

Les priorités :

q       Les troubles de la marche et les chutes

q       La dénutrition

q       L’incontinence urinaire

q       Les difficultés liées à la poly-médication

Les mesures :

·       Campagnes de prévention en direction des personnes âgées conduites par le Comité d’éducation pour la santé (CFES).

·       Chapitre « prévention » dans le guide des bonnes pratiques médicales en EHPAD (en cours de réalisation).

·       Identification d’infirmière de prévention au sein des services de gériatrie.

Critères de fragilité selon Winograd C.H

« Critères de fragilité prédictifs d’hospitalisation prolongée, de mortalité, d’institutionnalisation, de perte de fonction suite à une hospitalisation »

Winograd CH, GERTY MB et coll " Targeting the hospitalized elderly for geriatric consultation J Am Geriatric Soc 1983 ; 36 ; 1113-1119

        1. 65 ans et plus

        2. Accident cérébro-vasculaire, maladie chronique et invalidante

        3. Confusion, dépression

è   4. Démence

è   5. Trouble de la mobilité, dépendance dans la réalisation des activités de la vie quotidienne

       6. Chute dans les trois mois

è   7. Alitement prolongé

        8. Escarres

        9. Malnutrition, perte de poids ou d’appétit

       10. Poly-médication

è   11. Déficits sensoriels (vision, audition)

       12. Problème socioéconomiques et familiaux

è   13. Utilisation de contentions

       14. Incontinence

       15. Pas d’hospitalisation programmée dans les trois mois

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